La médiation administrative appliquée au contentieux de la fonction publique
La médiation administrative appliquée au contentieux de la fonction publique
Sous l’impulsion de l’Ordre des Avocats du Barreau de Grenoble et du Tribunal Administratif de Grenoble, une convention visant à promouvoir la médiation-conciliation administrative récemment intégrée dans le Code de Justice Administrative, a été signée en juin 2013, en partenariat avec la Ville de Grenoble et le Conseil Général de l’Isère. Cette signature démontre la volonté partagée par de nombreux professionnels du droit d’amorcer un changement de culture passant de la culture du conflit à celle de la conciliation. L’introduction de l’article L 211-4 du CJA permet aux Juridictions Administratives de s’approprier la pratique de la conciliation expérimentée depuis de nombreuses années par les Chambres Sociales des Cours d’Appel dans le contentieux du droit du travail. C’est tout naturellement que ce mode alternatif de résolution des litiges trouve à s’appliquer dans le contentieux de la fonction publique, auquel il est particulièrement bien adapté.
Une définition de la médiation-conciliation :
Le Code de Justice Administrative prévoit cette procédure à l’article L 211-4, sans en donner une définition : « Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, les chefs de juridiction peuvent, si les parties en sont d'accord, organiser une mission de conciliation et désigner à cet effet la ou les personnes qui en seront chargées ». L’objectif est de rechercher une solution mettant fin au litige, sans imposer la solution aux parties. La médiation et la conciliation sont deux procédures distinctes faisant intervenir un tiers : « La conciliation a pour objet de rallier les parties entre elles, de les amener à rapprocher leurs positions, de les conduire à trouver entre elles un point d'accord commun tandis que la médiation donne à la personne qui la réalise un rôle d'intermédiaire entre les parties pour aboutir, à partir des positions des parties, à une proposition de solution » (recommandation du Conseil de l’Europe). « La conciliation constate l'existence d'un accord ou la persistance d'un désaccord tandis que le médiateur exprime la solution qui paraît devoir être retenue ». En ce sens, la Convention régularisée par le Barreau Grenoblois et le Tribunal de Grenoble vise à panacher les deux approches en s’appuyant sur le Centre de Médiation de Grenoble.
Les pré-requis à cet engagement :
L’instauration de la mesure de médiation est soit à l’initiative des parties qui en font la demande au Tribunal Administratif, soit à l’initiative du Tribunal lui-même qui décide de proposer la participation à une médiation - conciliation. La mesure peut prendre fin à tout moment à la demande d’une partie à la procédure et repose sur l’obligation de confidentialité, tant dans son contenu que dans les résultats de cette conciliation ; les propos tenus dans le cadre de la conciliation ne peuvent être utilisés en dehors. Dès lors que les parties donnent leur accord pour que la procédure fasse l’objet d’une tentative de médiation, le Tribunal désigne un conciliateur. Le médiateur convoque les parties à une première réunion. Généralement, deux réunions sont nécessaires pour aboutir à un accord ou constater l’absence de volonté de concilier.
La restauration d’un dialogue sur fond de contentieux :
Il s’agit de l’ultime opportunité de discuter en marge du contentieux déjà initié. Parfois, le recours gracieux n’a pas permis de rétablir l’échange et le contentieux administratif n’est pas propice à ce dialogue. Ainsi, l’esprit de la médiation est de parvenir, dans une atmosphère de bienveillance réciproque, en présence du médiateur qui est un spécialiste de la relation humaine, à renouer un échange pour poursuivre une relation de travail érodée.
C’est dans un esprit d’ouverture vers l’autre que les parties souvent en conflit se rapprochent. Le volontariat est nécessaire car rien ne peut être contraint. Le médiateur posent des questions en préambule au requérant lui donnant l’occasion d’exprimer ses ressentis et au défendeur de donner son appréciation. La problématique juridique est extérieure au médiateur lequel n’a pas nécessairement pris connaissance du contenu de la requête déposée au Tribunal défendant l’idée qu’il n’est là que pour guider, temporiser, ou aider les parties à trouver une solution qui leur est propre et durable et non imposée par un tiers. Cette phase d’expression et d’état des lieux est importante pour que chacun sorte de sa posture et opère un pas vers l’autre, notamment dans un contentieux professionnel portant une grande part d’affect.
L’usage de la médiation au contentieux de la fonction publique est utile lorsque des conflits personnels surgissent et qu’ils dégradent notoirement la relation de travail pénalisant la bonne marche du service public.
La résolution d’un litige avec rapidité et loin de l’aléa judiciaire :
De nombreux avantages se dégagent de la médiation. LA RAPIDITE. La décision de désignation du médiateur fixe un premier délai de 3 mois renouvelable une fois, ce qui porte la durée maximale de la médiation à 6 mois. Cette durée est parfaitement raisonnable et écourte notablement le temps de résolution du litige comparativement à la durée estimée devant le Tribunal Administratif approximativement de 18 à 24 mois.
ACTEUR DE LA SOLUTION. Les parties sont cheville ouvrière de l’accord qu’elles tentent d’élaborer et vraiment acteurs. Cette procédure permet d’obtenir une solution négociée entre les parties qui sera la moins mauvaise décision possible pour les parties, dans la mesure où elle aura été élaborée ensemble. Permettant de rétablir une écoute et un échange qui a le plus souvent disparu, l’accord obtenu sera du « sur mesure » avec une publicité la plus réduite possible. Il entérinera une réponse à un cas spécifique en opposition à une décision de justice, le plus souvent binaire (refus d’annuler la décision ou acceptation), le Juge ne pouvant aucunement s’affranchir de l’application de la règlementation stricte et des règles de procédures.
Susceptible d’être porteuse de satisfactions par l’issue raisonnable qu’elle peut apporter au dossier (financière, politique, tactique), elle peut aussi être dangereuse si elle n’est pas prise au sérieux et dans le respect des principes de la médiation (respect des partenaires et de la confidentialité). Tous les contentieux de fonction publique ne pourront faire l’objet d’une médiation, notamment ceux dont le conflit est trop cristallisé, qui ne pourront être résolus que par le Juge, à l’instar des procédures disciplinaires.
La médiation- conciliation s’inscrit dans la recherche d’une équité partagée entre le requérant et le défendeur et permet de trouver des solutions convenant aux deux parties, solutions qui n’auraient jamais pu être adoptées devant le Juge Administratif, corseté par les dispositions réglementaires qui lui imposent d’appliquer rigoureusement le droit. Cette procédure est destinée à se développer, notamment pour désengorger les Tribunaux. Dans la fonction publique territoriale, la médiation rétablit un équilibre dans la relation d’ordinaire fortement nourrie du rapport hiérarchique. Les dimensions subjectives et humaines de ce contentieux qui inspire beaucoup d’attente de la part du requérant, justifient que cette procédure soit fréquemment privilégiée.
Article publié dans les Affiches de Grenoble et du Dauphiné 24 avril 2015