La Loi NOTRe et la difficile reprise du personnel
La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la république dite loi NOTRe a pour objectif de renforcer l’échelon intercommunal. Ses dispositions entraînent une recomposition des périmètres intercommunaux, laquelle se traduit par la fusion de nombreux EPCI, le transfert de compétences impliquant le transfert de personnel. Plusieurs lois ont tenté d’initier la réforme territoriale attendue pour rompre avec le « mille-feuilles » organisationnel : les lois dites Chevènement de 1999, RCT de 2010 et MAPAM de 2014 se sont engagées sur cette voie; cependant, la loi NOTRe se distingue par la volonté de mettre un terme à l’enchevêtrement des compétences, la réaffirmation de la spécialisation des missions départementales et régionales, la suppression de la clause générale de compétence dont dispose chaque collectivité ; désormais, les collectivités sont des entités administratives spécialisées, les obligeant à coopérer dans un cadre volontariste, telle qu’énoncé à l’article L5210–1 du CGCT. Par l’appropriation de ce nouvel arsenal législatif, les collectivités s’engagent dans le chantier de la mutualisation permettant, dans un contexte financier contraint, d’organiser des économies d’échelle et d’optimiser le fonctionnement des structures administratives. Cette restructuration des territoires implique des changements anxiogènes pour les agents. Le succès de la réforme dépendra de la manière dont les collectivités seront en capacité d’accompagner le changement et de lui donner du sens. Le cadre juridique est parachevé par la loi NOTRe qui clarifie le sort des agents dans le cadre du transfert des compétences.
Le transfert total de compétences (obligatoires, optionnelles ou facultatives) entraîne le transfert de services ou partie du service chargé de sa mise en œuvre.
Le service suit la compétence et implique le transfert des agents par voie de mutation conformément à l’article 51 de la loi du 26 janvier 1984. L’article L 5211–4–1 du CGCT innove en imposant à la commune et l’EPCI l’établissement d’une fiche d’impact décrivant les effets sur l’organisation, les conditions de travail, la rémunération et les droits acquis pour les agents. Ces deux documents doivent être soumis à l’avis du comité technique compétent. Ainsi, le transfert de l’agent est automatique et obligatoire dans le respect des conditions de statut et de l’emploi. Pour l’agent contractuel, il y a maintien de la nature de l’engagement initial, sous forme de CDD ou CDI. L’agent exerçant en partie les fonctions dans un service transféré pourra choisir entre accepter le transfert, ou accepter une mise à disposition de plein droit imposant la rédaction d’une convention, sans limitation de durée, étant précisé que l’agent sera placé sous l’autorité fonctionnelle du président de l’EPCI mais restera géré par la collectivité d’origine, sans changement dans ses conditions d’emploi.
Le transfert partiel de compétences opère une mutualisation ascendante par la mise à disposition du service.
Si la commune a conservé tout ou partie du service concerné par un transfert de compétences, elle a l’obligation de le mettre à la disposition de l’EPCI pour l’exercice par celui-ci des compétences transférées, sans limitation de durée. Le service reste communal même si la compétence est en partie communautaire et la gestion sera réglée par une convention de mise à disposition. La convention fixera, après avis du comité technique, les modalités de mise à disposition, conditions de remboursement (article D 5211–16 du CGCT). La fiche d’impact annexée à la convention décrira les effets de l’organisation.
En dehors de tout transfert de compétences, les collectivités peuvent organiser entre elles une mutualisation descendante permettant de mettre tout ou partie du service à disposition pour une bonne organisation du service (article L 5211–4–1 III). Elles peuvent aussi créer des services communs chargés « de l’exercice de mission fonctionnelle et opérationnelle, dans l’instruction des décisions prises au nom de la commune ou de l’État ». Les agents remplissant en totalité leurs fonctions dans un service mis en commun sont transférées de plein droit à l’EPCI chargé de sa gestion. Les agents ne remplissant qu’une partie des fonctions sont mis à disposition à titre individuel de la personne publique gestionnaire du service communal. C’est une nouveauté de la loi NOTRe.
Les conséquences du transfert sur la situation des agents : S’agissant du maintien des conditions de statut et d’emploi, l’agent conserve son temps de travail et sa quotité, son grade, l’échelon, l’ancienneté, le statut (titulaire, stagiaire, CDD, CDI), sa position statutaire (activités, détachement, congé parental, mise à disposition, disponibilité). S’agissant de la rémunération, les agents transférés conservent, s’ils y ont intérêt, le bénéfice du régime indemnitaire qui leur était applicable (primes et indemnités prévues à l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984), ainsi qu’à titre individuel, les avantages acquis visés par l’article 111 de la loi imposant la rédaction d’un arrêté individuel pour conserver les CET, DIF, congés annuels. En revanche, les horaires de travail ne sont pas considérés comme un avantage acquis transférables. Une harmonisation sera recherchée par la négociation pour établir les modalités de temps de travail propre au nouvel EPCI, avec consultation du comité technique. La NBI n’est maintenue que si l’agent continu à exercer les fonctions y ouvrant droit. La restructuration peut engendrer l’évolution des missions et des responsabilités de l’agent, lequel n’a pas droit à conserver son emploi mais seulement une fonction correspondant à son grade. Une indemnité de mobilité peut être versée aux agents qui changent de résidence familiale à l’occasion du changement de lieu de travail Pour les agents qui exercent leurs fonctions en totalité dans le service transféré, il n’est pas admis de refus. En revanche, la mutation ne peut pas être imposée aux agents exerçant pour partie seulement dans un service transféré. Si l’agent refuse et que l’emploi ne correspondant plus un besoin de la commune est supprimé, le fonctionnaire recevra une proposition de mutation ou sera placé en surnombre durant plusieurs mois puis pris en charge par le CNFPT. Pour les non titulaires, la commune devra faire une offre de reclassement sur un autre emploi ou procéder au licenciement de l’agent.
Cette mobilité fonctionnelle et organisationnelle peut engendrer des situations d’incompréhension et de frustration. Les risques de dégradation de la position des agents et d’inégalité de traitement déjà présents dans les collectivités seront majorés entre ceux transférés et ceux mis à disposition ; surtout qu’il n’y a pas d’obligation d’harmonisation entre agents transférés et ceux nouvellement recrutés. Il va de soi qu’une différence de régime sera socialement difficile à gérer sur des fonctions comparables et nuira à la cohésion et à la gestion des ressources humaines. L’objectif sera de limiter le nombre de primes pour garantir le régime indemnitaire antérieur et harmoniser les situations. Cette dynamique est probablement porteuse, dans un premier temps de surcoût (gestion, pas de réduction des effectifs et nivellement par le haut), mais la réussite dépendra de l’adhésion du personnel qui aura saisi le sens de la réforme grâce à un dialogue social rénové mené par un comité de suivi de mutualisation et de concertation, et des collectivités en capacité de définir des organigrammes précis.
Article publié dans les Affiches de Grenoble et du Dauphiné le 3 juin 2017
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